Text by Camille Paulhan
Translated from french


Lucy Ralph considers her work as hard to place: to those who would like to put her definitively in the pictorial register, she retorts that her gesture is more performative and sculptural than they think. To those who classify her above all as an abstract painter, she replies that she never ceases to represent the body, from every angle. And if you want to concentrate first on the peaceful colours she uses, the pastel pinks, the soft blues, the yellows tempted by grey, you'd better not be fooled: under the pictorial layer, the different layers show through like the experiences that Lucy Ralph has lived without wanting to eradicate them. She works with oil paint, manipulating it with different materials, sometimes embroidering it. She scratches, erases, rubs and brushes, often hiding fragments of poems or text between several layers. In all her gestures, ambivalence prevails: virulence and aggressiveness rub shoulders with delicacy and care. Lucy Ralph's work is closely related to the world of hospitals, to the feeling of separation from one’s own body, but also it’s ability to be repaired. But her painting is not the sole expression of the vulnerability of a body that proves to be unreliable; far from it, she also makes us see the body as genuine armour.

 

Original text:

Lucy Ralph se sent certainement toujours un peu à côté des choses : a ceux qui voudraient la ranger définitivement dans le registre pictural, elle rétorque que son geste est plus performatif et sculptural qu’ils ne le croient. Aux esprits classificateurs qui la voient avant tout comme une peintre abstraite, elle répond qu’elle n’a de cesse de représenter le corps, sous toutes ses coutures. La ou certains perçoivent de la violence, elle objecte qu'elle est en quête de réparation. Et si on souhaite d’abord se concentrer sur les couleurs paisibles qu’elle utilises, les rose poudré, les bleu tendre, les jaunes tentés de gris, mieux vaut ne pas se laisser berner : sous la couche picturale, les différentes strates transparaissent comme les expériences que Lucy Ralph a vécu sans vouloir les éradiquer. Elle travaille la peinture à l'huile dans toute sa sécheresse ou toute son onctuosité, au pinceau, aux ongles ou au tournevis, parfois en la brodant. Elle gratte, efface, frotte et brosse, dissimule entre plusieurs couches des fragments de poèmes. Dans tous ses gestes, l’ambivalence prévaut : la virulence et l’agressivité côtoient la délicatesse et le soin. Lucy Ralph sonnait l’univers hospitalier de près, la sensation d'émiettement du corps comme le besoin de s’abandonner à la responsabilité d’autrui, ressentis après diverses opérations et interventions médicales. Mais sa peinture n’est pas l'expression de la seule vulnérabilité d’un corps qui se révèle défaillant ; loin des discours bavards, il fait aussi la voir comme une véritable armure.